La crise russo-ukrainienne a eu des répercussions profondes sur de nombreux pays du monde. Depuis son début, elle a affecté la sécurité alimentaire, les marchés du travail et les prix de l’énergie. Le marché du blé a été l’un des secteurs les plus affectés par le conflit, y compris en Afrique.
L’invasion de l’Ukraine et les sanctions imposées à la Russie (notamment l’interdiction d’exporter) ont considérablement affecté les marchés de l’énergie et les importations agricoles. Bien qu’ils soient géographiquement éloignés du conflit, les pays d’Afrique ressentent toutefois son impact sur leur sécurité alimentaire. Le prix et la rareté de nombreuses denrées ont connu une hausse importante à travers le continent. Le blé, l’une des céréales les plus importées sur le continent, n’y a pas échappé.
L’importance du blé pour l’Afrique
De nombreux pays africains dépendent fortement des importations de produits alimentaires de base pour leur survie. Parmi ceux-ci, on retrouve principalement le maïs et le riz, mais aussi le blé.
La majorité des Africains tirent leur apport calorique des céréales, la plupart des régimes étant pauvres en protéines. Cette dépendance vis-à-vis des importations de blé et d’autres céréales est en partie le résultat d’une faible production locale.
Le conflit russo-ukrainien a déclenché une vague de perturbations de l’approvisionnement alimentaire à travers l’Afrique. Au mois de juillet, le continent faisait face à une pénurie d’au moins 30 millions de tonnes de nourriture, en particulier de blé, de maïs et de soja importés des deux pays.
Une forte dépendance en Afrique du Nord
L’Égypte est le plus grand importateur de blé au monde, avec 85 % de son approvisionnement fourni par la Russie et l’Ukraine. Avec l’interruption de la production et de l’expédition de blé ukrainien, les prix du blé ont grimpé en flèche.
Cela survient dans un contexte de hausse de l’inflation en Égypte et d’une forte dévaluation de la monnaie locale. Par conséquent, les prix des produits de base comme le pain ont augmenté. Compte tenu de la sensibilité du pays à la hausse des prix, il est contraint de s’appuyer davantage sur ses stocks. Pourtant, le pain représente un aliment de base pour de nombreux Égyptiens, dont un tiers vivent en dessous du seuil de pauvreté. Les subventions gouvernementales au pain coûtent en moyenne 2,8 milliards $. Ce chiffre devrait bientôt augmenter avec la hausse des prix du blé.
En Libye, la situation est encore plus critique. Cette crise vient s’ajouter aux difficultés économiques rencontrées depuis le début des guerres civiles en 2011. Le conflit russo-ukrainien a exacerbé l’insécurité alimentaire, car la Libye importe 75 % de son blé d’Ukraine et de Russie et ne détient que des réserves limitées.
La Tunisie connait un sort similaire, car elle importait 80 % de son approvisionnement en blé d’Ukraine. La guerre a poussé les prix du blé aux niveaux les plus élevés en 14 ans. De nombreuses familles ont du mal à s’acheter du pain et d’autres produits de base à base de blé. Le pain est un produit fortement subventionné par le gouvernement tunisien et des pénuries dans les boulangeries ont déjà été signalées dans tout le pays.
Lire aussi : La Banque mondiale accorde 500 millions $ à l’Égypte pour renforcer la sécurité alimentaire
Une crise perceptible sur le reste du continent
Les pays d’Afrique du Nord ne sont pas les seuls pays où la sécurité alimentaire est affectée par le conflit en Ukraine. 32 % des importations totales de blé africain proviennent de Russie et 12 % d’Ukraine. Dans toute l’Afrique, 25 pays importent plus d’un tiers de leur blé d’Ukraine et de Russie. Les pays les plus dépendants (comme la Somalie, le Soudan, la Mauritanie, le Congo, le Kenya et l’Érythrée) ont naturellement plus subi les retombées du conflit.
Au Soudan, par exemple, le prix du pain a presque doublé. Certaines boulangeries ayant été contraintes de fermer suite à une baisse de 60 % des importations de blé depuis le début de la guerre il y a deux mois. Les perturbations de l’approvisionnement en blé ont clairement des répercussions majeures sur la sécurité alimentaire à travers le continent.
Lire aussi : Conflit russo-ukrainien : quelles conséquences pour l’Afrique ?
Les cultures locales comme alternatives
Avec la flambée des prix du blé, de nombreux pays se tournent vers des alternatives moins coûteuses. Les entreprises alimentaires utilisent désormais le riz, la farine de manioc et le sorgho dans leurs recettes.
Un article récent de Bloomberg montre que les producteurs alimentaires de nombreux pays ouest-africains incorporent ces alternatives dans leurs pains, pâtisseries et pâtes. Les cultures nationales sont moins exposées aux perturbations commerciales et à l’inflation mondiale. Elles offrent ainsi une certaine protection contre les prix des denrées alimentaires qui ont atteint leurs records.
Nestle Nigeria Plc, fabricant de céréales Golden Morn, introduit davantage de cultures locales dans sa gamme, selon le rapport annuel de la société pour 2021. Elle se sert principalement du sorgho et du soja.
Au Congo, le gouvernement a approuvé un programme de soutien à la production de farine de manioc pour la fabrication de pain et de pâtisseries. Cela pourrait aider le pays à réduire sa dépendance à l’égard des importations de blé, qui coûtent environ 87 millions de dollars par an, a déclaré le ministre de l’Industrie Julien Paluku sur Twitter.
Le Cameroun importe environ 1 million de tonnes de blé par an, se classant ainsi parmi les 10 premiers acheteurs d’Afrique subsaharienne, selon les données du ministère américain de l’agriculture. La baisse de la production nationale a incité le pays à suspendre ses exportations de farine de blé, de riz et de céréales vers les pays voisins. Cette décision est intervenue après que le gouvernement a augmenté les prix du pain de 20 % en mars. En réponse à la crise, certaines entreprises alimentaires se tournent vers la pomme de terre.
Lire aussi : Cameroun : Le gouvernement soutiendra les producteurs locaux de farine