La réalisation d’un important projet de combustibles fossiles en Ouganda et en Tanzanie fait actuellement débat. En cause, son impact économique et environnemental dans l’une des régions les plus vulnérables au changement climatique. L’indication a été donnée par Bloomberg à travers une publication ce jour.
Le projet à polémique devrait être exécuté dans une communauté rurale, située près des rives du lac Albert en Ouganda. Il s’agit d’une communauté luxuriante et verte, et terriblement sous-développée. Sa transformation et son développement pourraient provenir de l’exécution du projet d’oléoduc nécessitant 4 milliards de dollars. La somme sera mobilisée par un consortium regroupant les gouvernements ougandais et tanzanien, TotalEnergies SE en France et Cnooc Ltd en Chine. Pour ce groupe, le pipeline de pétrole brut d’Afrique de l’Est (EACOP) de 900 milles créera des milliers d’emplois. Il devra aussi générer des milliards de dollars de revenus pour les gouvernements des pays concernés.
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L’argument écologique, une barrière à la mise en œuvre du projet
Malgré l’impact socio-économique de ce projet, vanté par ses promoteurs, il ne fait toujours pas l’unanimité. Ses opposants sont légion : des militants ougandais, des membres du Parlement européen et des groupes environnementaux occidentaux. D’après ces derniers, le projet impliquera le forage de centaines de puits de pétrole dans et autour des réserves naturelles. Il détruira des écosystèmes fragiles et augmentera les émissions à un moment où le monde devrait s’éloigner des combustibles fossiles. Pour ces raisons, ils ont convaincu plusieurs banques et compagnies d’assurance de suspendre leur soutien au pipeline, retardant ainsi la clôture financière du projet.
Selon ces militants pro-environnement, la construction du pipeline aura un impact environnemental considérable. Elle constitue une menace pour les animaux en voie de disparition comme les éléphants et les chimpanzés étant donné que l’oléoduc traversera quatre réserves naturelles. « L’EACOP à elle seule produira 34 millions de tonnes métriques de carbone par an au cours des 40 prochaines années », avertit Dickens Kamugisha. Il est directeur général de l’Institut africain pour la gouvernance énergétique, basé à Kampala. S’agissant des promoteurs du projet, a-t-il indiqué, « ils font pression pour des motifs égoïstes et lucratifs ».
Autre opposant au projet, Maria Arena, membre belge du Parlement européen au sein du Parti socialiste. D’après l’eurodéputée, la participation de TotalEnergies dans ledit projet est hypocrite. « En Europe, nous protégeons nos citoyens du changement climatique et nous devons le faire également en dehors de l’Europe », a-t-elle encore indiqué. Maria Arena, faut-il rappeler, est l’un des parlementaires de l’UE ayant fait avancer une résolution en septembre 2022. Le document met en lumière les violations des droits humains liées à l’EACOP. Il met également en garde contre l’impact environnemental, social et climatique du projet, y compris le risque de déplacement d’environ 100 000 personnes.
Les promoteurs décidés malgré tout
Minimisant ces avertissements, les promoteurs du pipeline semblent être décidés. Pour eux, 80 % de l’oléoduc sera souterrain. La végétation qui sera défrichée pour sa construction repoussera, permettant ainsi aux animaux de se déplacer librement. « Les détracteurs n’ont pas suffisamment d’informations sur le projet et sur les avantages qu’il apportera à la région », soutient notamment Ernest Rubondo, Directeur exécutif de l’Autorité ougandaise du pétrole.
Ces promoteurs ne pourront plus compter sur Sumitomo Mitsui Financial Group Inc., basé à Tokyo, et dernier prêteur en date à suspendre son financement. Toutefois, ils sont confiants. À en croire Ruth Nankabirwa, ministre ougandaise de l’Énergie, le pipeline a toujours des bailleurs de fonds. La banque chinoise Exim Bank et deux entreprises de deux pays africains non-identifiés sont prêtes à financer sa construction. La Standard Bank d’Afrique du Sud se serait également positionnée pour apporter son financement. Ce serait quand elle aurait examiné les impacts sociaux et environnementaux du projet.
L’oléoduc, faut-il noter, transportera 216 000 barils par jour depuis les champs pétrolifères de Tilenga et de Kingfisher. Cela passera par l’Ouganda et la Tanzanie jusqu’aux terminaux de la côte de l’océan Indien, où il sera exporté à l’étranger. L’exportation aura pour destination, les pays qui limitent leur propre production de combustibles fossiles. Pour Zaki Mamdoo, coordinateur de la campagne Stop EACOP en Afrique du Sud, « cela met en évidence les inégalités qui existent au niveau mondial ». Ces ressources, a-t-il expliqué, répondent aux besoins énergétiques des pays du Nord facilitant leur propre transition vers une économie verte. À l’inverse, les pays africains sont enfermés dans une économie basée sur les combustibles fossiles. Ils exposent ainsi leurs populations qui doivent supporter la totalité des coûts sociaux et environnementaux.
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