Au Bénin, Africa Design School a organisé la cérémonie de sortie de sa première promotion le 16 septembre dernier. Trois ans après sa création, l’école met sur le marché du travail 14 apprenants aux grandes ambitions et se permet un premier bilan plutôt flatteur.
A Sèmè One le vendredi dernier, ils étaient 14. Calots vissés sur le crâne, diplômes en main, sourires éclatants et joie débordante. Ils sont désormais des designers. ils viennent officiellement d’achever un parcours qui a duré trois ans et qui a été sanctionné par un Diplôme national des métiers d’arts et du design.
Cette cérémonie officielle de remise de diplôme a été l’occasion pour les différents acteurs de revenir sur cette aventure qui a débuté par un appel à projets ainsi que l’explique Jean-François Ancel, secrétaire général de l’école de design de Nantes (EDN) et directeur général adjoint d’Africa Design School. « Nous avions répondu à un appel à projets de Sèmè City qui souhaitait créer une cité internationale du savoir et de l’innovation, et on s’est dit: « On ne sait peut-être pas répondre à l’appel à projet, mais s’il y a une volonté de créer de l’innovation, on peut les aider à créer une école de Design». Et c’est ce qu’on a proposé.»
Pour Sèmè City dont l’une des missions repose sur la mise en place de formations professionnalisantes, cette proposition est une aubaine. Les deux partenaires se lancent donc dans la création d’une filiale de l’EDN, la première en Afrique. «ça a été long pour nous deux. Nous, de créer une nouvelle école, et Sèmè City de se créer dans cette dimension d’accompagnement d’établissements d’enseignement supérieur. Mais on a réussi cela.» déclare Jean-François Ancel.
«C’est un challenge d’expliquer aux entreprises que le designer est celui ou celle qui va les aider à résoudre les problèmes qui se posent
Claude Borna, directrice générale de l’agence de développement de Sèmè City
La belle épopée des petits crabes poilus
Entre scepticisme et incertitudes, Africa Design School s’installe, communique et réunit sa première cohorte d’apprenants. S’en suivront trois années pendant lesquelles, les «petits crabes poilus», ainsi qu’ils se surnomment eux-mêmes, enchaîneront à un rythme effréné un apprentissage intensif en alternance entre milieu académique et environnement professionnel. Alida Dossou, étudiante, racontera le quotidien en évoquant «les nombreux projets, les deadlines, les workshops, les nuits blanches, le stress du drive qui refuse de charger alors qu’il est 23h30 et que tu dois rendre ton projet avant minuit, photoshop qui plante alors que tu n’as pas sauvegardé ton fichier.»
De 2020 à maintenant, notre chiffre d’affaires a progressé de plus de 1500% sur les tablettes de chocolat. Et je peux vous garantir que nous le devons au Design.»
Moutawakilou Gounou, CEO de GOUNOU
Pour les partenaires qui ont initié le projet aussi, ce temps sera celui de l’apprentissage. Claude Borna, numéro un de l’agence de développement de Sèmè City soulignera que «là on a aussi appris beaucoup, c’est comment on monte une école avec un partenaire qui est à Nantes, qui ne connaît pas le Bénin, l’Afrique. ça a été très riche d’enseignement.
Lire aussi: Coopération franco-béninoise: encore un autre Tango à Paris.
Du côté des entreprises qui ont pu accueillir ces apprenants le bénéfice est visible. Ainsi, raconte, Moutawakilou Gounou, promoteur de la pâte à tartiner éponyme, «Nous avons eu la chance de recevoir une étudiant de EDN qui a travaillé en binôme avec un étudiant d’Africa Design School et leur apport a été immédiat pour nous. Le design n’est pas que de l’art c’est outil stratégique. De 2020 à maintenant, notre chiffre d’affaires a progressé de plus de 1500% sur les tablettes de chocolat. Et je peux vous garantir que nous le devons au Design.». Néanmoins, quand on le questionne, l’entrepreneur reste lucide et avoue que « les entreprises africaines ne prennent pas encore entièrement conscience de l’importance du design, mais la bonne nouvelle c’est que de plus en plus d’acteurs de l’écosystème s’éveillent.» Il estime donc que le potentiel des métiers du design en Afrique n’en demeure donc pas moins réel.
Ce constat est partagé par Claude Borna qui affirme «C’est un challenge d’expliquer aux entreprises que le designer est celui ou celle qui va les aider à résoudre les problèmes qui se posent parce qu’eux même ne savent pas qu’ils ont besoin d’un designer. C’est compliqué et je remercie les entreprises qui nous ont fait confiance et qui ont accompagné ces jeunes à travers des stages, des programmes d’alternance etc. Ce n’est jamais gagné.»
Lire aussi : Bénin : Plus d’un million d’écoliers bénéficieront du programme des cantines scolaires cette année
L’innovation design Factory, pour une connexion privilégiée avec le monde professionnel
Dans le but de renforcer cette connexion entre les apprenants et le monde professionnel, ADS a profité de cette cérémonie de remise de diplômes pour annoncer le lancement de l’Innovation design Factory. Cet espace vise à réunir entreprises et apprenants pour le développement de projets innovants susceptibles d’apporter de la valeur ajoutée aux deux parties.
Kefil Saka, coordinateur pédagogique des filières numériques au graphisme à Africa Design School, explique le bien-fondé de cette démarche: «Dans la pédagogie à l’ADS, on a mis en place les partenariats pédagogiques. Mais les contraintes du calendrier ne nous permettent pas d’être plus flexibles vis-à-vis des besoins de ces entreprises. Elles ne nous permettent également pas d’explorer d’autres problématiques, parce que le programme scolaire est fixé sur des bases. L’IDF va permettre aux entreprises de continuer à travailler avec des étudiants sur des problématiques spécifiques et stratégiques, dans différents champs d’intervention. Que ce soit le design thinking, le design graphique, le design d’espace. Et pour les étudiants, ça va leur permettre toujours, de se professionnaliser, de développer un réseau d’acteurs pertinents, et de gagner en expérience. Et ça participe à leur formation.»
Lire aussi: Bénin : 16,95 millions $ du Canada pour stimuler l’emploi des jeunes
«J’ai eu la chance de mettre en pratique au quotidien ce que j’apprenais ici.
Olafemi Adjinda, ancien étudiant d’Africa Design School
Pour les étudiants, qui ont eu l’occasion de présenter leurs travaux de fin de formation, l’enjeu réside désormais dans la confrontation avec les réalités du monde professionnel. D’après Olafemi Adjinda, qui travaillait déjà dans le domaine du design avant de suivre cette formation, la promotion qui sort est outillé pour relever ce défi. «J’ai eu la chance de mettre en pratique au quotidien ce que j’apprenais ici. La formation est de qualité et j’ai pu apprendre des professionnels qui venaient partager leurs expériences avec nous.» Affirme-t-il. Le néo-diplômé souligne que s’il ne faut pas forcément faire une école de design pour «faire du beau», la différence réside dans une approche méthodologique qui permet à l’apprenant d’aller au-delà et de répondre à des problématiques diverses. «Les gens résument souvent le design à l’aspect esthétique or en école on apprend que cela va bien au-delà. »
Une croissance exponentielle et des perspectives enthousiasmantes
Trois ans après, que retenir? Une première promotion diplômée, mais aussi des effectifs multipliés par 10 pour la rentrée 2022-2023. Ils sont en effet 150 à avoir été admis en première année de l’établissement. Et Africa Design School continue de plancher sur l’ouverture prochaine de nouvelles filières.
De son côté, l’agence de développement de Sèmè City se félicite de ce coup d’essai qui aura finalement été un coup de maître. «Le modèle d’Africa Design School est un modèle qu’on est en train de répliquer avec d’autres partenaires.» déclare Claude Borna. Autant dire qu’on n’a donc pas fini d’entendre parler de design dans les univers académiques et professionnels au Bénin.
Lire aussi: Les Seychelles classées premier pays africain ayant le meilleur système éducatif