Cameroun : L’assassinat du journaliste Martinez Zogo aurait été ordonné par le garde des Sceaux Laurent Esso (RSF)

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Laurent Esso
Laurent Esso, le ministre de la Justice, garde des sceaux.

Plusieurs arrestations ont été effectuées ce matin dans le cadre de l’affaire Zogo. Jean-Pierre Amoungou Belinga et Bruno Bidjang, respectivement patron et directeur général de Télévision Vision 4 ont été arrêtés à leurs domiciles respectifs. Cependant, selon les informations communiquées par Reporters sans frontières (RSF) l’actuel Ministre de la Justice aurait été le donneur d’ordre.

Après leur arrestation, Jean-Pierre Amoungou Belinga et Bruno Bidjang ont été conduits Secrétariat d’État à la défense pour audition. Quelques jours plus tôt, la Présidence avait annoncé l’arrestation de plusieurs autres personnes « fortement suspectées ». Reporters sans frontières (RSF) rapporte qu’il s’agissait majoritairement des agents des services de renseignement camerounais. Plus d’une vingtaine d’entre eux ont été arrêtés à Yaoundé. Suspecté, Justin Danwe, directeur des opérations spéciales, est passé aux aveux dans sa déposition.

Il aurait exécuté les ordres reçues de son supérieur, Léopold Maxime Eko, patron du service de contre-espionnage, qui a, lui aussi, été arrêté hier. Selon ses propos, Zogo aurait été suivi pendant une semaine pour connaître ses habitudes. Les éléments de la Direction générale de la recherche extérieure ont ensuite procédé à son enlèvement dans la soirée du 17 janvier.

Le journaliste aurait été conduit dans un immeuble appartenant à Jean-Pierre Amoungou Belinga, homme d’affaires réputé et patron du groupe médiatique Télévision Vision 4. Présent, le chef des lieux aurait passé à tabac Martinez Zogo avant d’appeler le garde des Sceaux pour savoir la conduite à tenir.

Ce dernier lui aurait donc recommandé de “finir le travail” pour éviter une nouvelle affaire Paul Chouta. Le lieutenant-colonel, Justin Danwe a avoué s’être chargé avec ses hommes de sauvagement torturer Martinez Zogo jusqu’à ce qu’il rende l’âme. Plusieurs hauts ministres proches de l’homme d’affaires auraient également été informés du crime d’État avant exécution.

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Plusieurs organisations exigent le dénouement de l’affaire Zogo 

Montée au créneau, la Fédération des éditeurs de presse (Fedipresse) « tient le gouvernement camerounais, sa justice et son Parlement pour responsables » de la situation. La corporation des journalistes déplore l’atmosphère de « FarWest » qui ne laisse désormais « plus de place ni au respect de la loi, ni à la protection des droits basiques de la personne humaine, ni à l’exercice de la liberté la plus élémentaire, celle de s’informer et de savoir ». D’aucuns estiment que Martinez Zogo aurait fait les frais d’une guerre de succession au régime de Paul Biya qui sera bientôt âgé de 90 ans. La tension est vive cette fois-ci, car les différents acteurs politiques, économiques, sociaux et même religieux veulent conduire l’affaire à aboutissement.

En effet, un cas pareil s’était déjà présenté l’année dernière et est passé sciemment sous silence. Paul Chouta, journaliste du site d’information privé Cameroon Web, avait été enlevé, battu sauvagement et laissé pour mort, alors qu’il avait juste perdu connaissance sous l’effet de la douleur, à cause des intérêts politiques qu’il semblait menacer. Les personnes impliquées dans cette affaire n’ont jamais pu être identifiées pour répondre de leur crime face à la loi. Pour rappel, le Cameroun occupe la 118e place sur 180 pays dans le rapport de RSF sur la liberté de presse en 2022.

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