Concilier productions vivrière et commerciale: la double équation de l’agriculture africaine.

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Pour l'Afrique, l'autosuffisance alimentaire passera par un équilibre entre agricultures commerciale et vivrière

Les cultures de rente permettront aux exploitants de sortir de la pauvreté. L’agriculture vivrière réduira, quant à elle, les importations alimentaires, favorisant ainsi l’autosuffisance.

Le maïs, le blé et le riz font partie des principales denrées de base. Ils couvrent près de la moitié des besoins en calories et en protéines de l’humanité, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Mais, malgré son énorme potentiel agricole, l’Afrique ne représente que 7% de la production mondiale du maïs, 5% du blé et 4% du riz. Cette faible productivité entraîne des dépenses annuelles de 55 milliards $ dans les importations alimentaires. Ce montant pourrait doubler d’ici 2030 selon les Nations unies. 

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Accroître la production vivrière

L’incapacité de l’Afrique à s’autosuffire l’a exposée aux effets du bouleversement des marchés internationaux et des chaînes d’approvisionnement, d’abord avec la pandémie de Covid-19, puis avec la guerre en Ukraine. Les dirigeants se sont mis à l’évidence que l’Afrique doit produire elle-même les denrées alimentaires dont elle a besoin.

Des programmes ont été lancés avec le soutien des partenaires régionaux et internationaux pour augmenter la production agricole locale. Au Togo, le gouvernement a décidé de doter chaque canton d’une Zone agricole pour le développement du maraîchage. En Guinée, la Banque africaine de développement (BAD) a débloqué environ 23 millions $ pour augmenter la production vivrière et améliorer la sécurité alimentaire. Le gouvernement malgache a quant à lui opté pour la distribution d’engrais chimiques aux exploitants pour booster les rendements rizicoles. 

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Les enjeux d’une agriculture d’auto-consommation…

Les denrées ciblées par ces différents projets agricoles sont souvent destinées à l’autoconsommation. Leur production est rarement excédentaire et n’est souvent ni destinée à l’industrie, ni à l’exportation. Cette forme d’agriculture piège les exploitants dans un cercle vicieux qui les appauvrit. Elle vise généralement à nourrir la population et à combler la demande intérieure, ce qui fait intervenir l’Etat et ses mesures visant à baisser les prix des denrées pour en faciliter l’achat aux ménages vulnérables. Résultat : les agriculteurs locaux n’arrivent pas à produire de la richesse et sont obligés de négocier chaque année le prix des denrées avec les autorités. 

Pour alléger leur fardeau, certains gouvernements subventionnent et fournissent même des intrants aux exploitants. Selon Hafez Ghanem, ancien vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique de l’Est et australe, actuellement chercheur principal au Global Economy and Development Program du think tank américain Brookings Institution, de nombreux pays africains ont commis une erreur après leur indépendance en essayant d’assurer une nourriture bon marché aux populations. 

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Pour y parvenir, ils ont dû maintenir les prix des denrées de forte consommation alimentaire à un bas niveau chez les producteurs tout en les contraignant à ne développer que certaines cultures. « Le résultat fut que le fermier devint pauvre. Si l’agriculteur est pauvre, il ne peut pas produire et, à long terme, tout le monde devient pauvre et affamé » rapporte l’agence Inter Press Service d’un entretien avec Hafez Ghanem. D’après lui, « aucun pays ne peut produire tous les aliments dont il a besoin ».

Promouvoir les cultures commerciales

Pour l’économiste franco-égyptien, l’Afrique aura besoin de concilier l’agriculture vivrière et commerciale pour atteindre l’autosuffisance alimentaire. Contrairement aux cultures vivrières, les cultures de rente sont souvent destinées à l’exportation et génèrent beaucoup de revenus pour les exploitants. Elles les aident à sortir de la pauvreté et à contribuer au développement économique des pays. 

Elles assurent l’autonomie financière des exploitants qui pourront alors mieux financer des cultures vivrières à grande échelle. En Côte d’Ivoire et au Ghana, la culture du cacao profite aussi bien aux agriculteurs qu’aux Etats. Les politiques agricoles devraient donc être centrées sur « la manière d’aider les agriculteurs à produire de la nourriture pour tout le monde et à exporter encore plus, car cela améliore la qualité de vie des agriculteurs » a indiqué Ghanem. 

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Développer une agriculture plus rentable et résiliente

L’Afrique abrite 60% des terres arables non cultivées du monde selon la FAO. Elle peut pratiquer à la fois une agriculture vivrière pour son autosuffisance alimentaire et une agriculture commerciale pour sortir des millions d’exploitants de la pauvreté. L’un des principaux problèmes du secteur réside actuellement dans la faible productivité des terres agricoles. 

« Nous devons augmenter les rendements pour les cultures de rente et vivrières » recommande Ghanem. Pour ce faire, les dirigeants doivent développer des techniques d’irrigation modernes et faciliter l’accès aux semences et aux engrais de qualité. L’Afrique doit surtout investir dans des infrastructures de production d’intrants agricoles pour en réduire les importations. Il faudra aussi renforcer la résilience de l’agriculture au changement climatique.

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Fidèle DJIMADJA