La notation souveraine constitue un critère déterminant dans l’éligibilité d’un État à obtenir des prêts. Elle peut parfois subir des dégradations ou être rehaussée suite aux travaux d’analyse des agences de notations. Que vaut réellement une notation souveraine et que signifie-t-elle pour les États ?
Cette semaine, l’agence de notation Fitch Ratings a dégradé la note de crédit du Nigeria à B- avec perspectives stables. Selon l’agence, cette dégradation traduit une diminution de la capacité du pays à mobiliser des recettes, notamment avec la chute de sa production pétrolière.
Pour tout État, une telle dégradation de la notation souveraine a des conséquences immédiates, puisqu’elle entraîne une hausse des taux d’intérêt sur les emprunts. Ses conséquences sont encore plus perceptibles dans les pays en développement, constamment en quête de financement sur les marchés internationaux.
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Qu’est-ce que la notation souveraine ?
La notation souveraine est l’appréciation par une agence de notation financière du risque de solvabilité d’un État ou d’une entité souveraine. Elle donne aux investisseurs un aperçu du risque associé à leurs investissements dans un pays particulier.
À la demande du pays, une agence de notation évaluera son environnement économique et politique pour lui attribuer une note. L’obtention d’une bonne notation est généralement essentielle pour les pays en développement qui souhaitent accéder au financement sur les marchés obligataires internationaux.
En effet, pour financer leurs besoins de développement, les États s’appuient soit sur leurs ressources internes, soit sur des dettes contractées auprès d’acteurs nationaux et internationaux. La notation souveraine offre un aperçu de la santé économique des États, éclairant ainsi les choix des investisseurs. Les entités gouvernementales peuvent ainsi accéder aux facilités de crédit sans avoir à passer par de longues évaluations par chaque prêteur.
La plupart des pays recherchent également une bonne notation souveraine afin d’attirer les investissements étrangers directs. De nombreux pays recherchent des notations auprès des agences de notation de crédit les plus importantes pour encourager la confiance des investisseurs.
Plusieurs critères sont pris en compte dans l’attribution d’une notation souveraine à un pays. Parmi ceux-ci, on note l’efficacité de la gouvernance, les niveaux de revenus et de croissance économique, les niveaux de solde budgétaire et la dette.
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Quelles sont les agences de notation les plus connues ?
La notation de crédit est un secteur hautement concentré. Les trois agences les plus influentes (Standard & Poor’s, Moody’s et Fitch Ratings) contrôlent environ 95 % du marché. Moody’s et Standard & Poor’s contrôlent ensemble 80 % du marché mondial, tandis que Fitch Ratings occupe près de 15 %.
Outre ces trois agences, il existe également de nombreuses agences de notation plus petites, qui desservent principalement de petits marchés. La plupart offrent leurs services à des entités et des entreprises opérant dans différents secteurs.
AAA, B, D : que désignent concrètement les notations ?
Chaque agence possède son système de notation. D’une manière générale, les notes vont de A à D avec des échelons intermédiaires. Plus la note est élevée, plus le risque est faible. La note AAA correspond à une bonne solvabilité, tandis que la note D traduit une situation de faillite de l’emprunteur.
S&P dispose d’un total de 17 notations qu’elle peut attribuer aux pays. Les notes allant de AAA à BBB- sont considérées comme positives et font état d’une bonne santé économique. De BB+ à D, l’économie du pays est considérée comme spéculative, avec un avenir incertain. Plus la note est basse, plus le potentiel de défaut est grand, la note D étant la pire.
Le système de notation de Moody’s est légèrement différent. AAA est la note la plus élevée pouvant être attribuée. Baa3 est le seuil de qualité moyenne inférieure, ce qui indique que le débiteur est en mesure de rembourser sa dette à moyen terme. En dessous de ce seuil, se trouvent les notations spéculatives, de risque élevé et de défaut. Ces notes vont de Ba1 à C, la probabilité de remboursement diminuant à mesure que la note alphabétique diminue.
Les notations de Fitch vont de AAA à BBB. Ces notes alphabétiques indiquent un potentiel de défaut de paiement nul à faible. Les notations allant de BB à D sont les moins bonnes, D signifiant que le pays a fait défaut.
En plus de leurs notes alphabétiques, les trois agences fournissent également une évaluation en un mot des perspectives économiques actuelles de chaque pays : positives, négatives ou stables.
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Pourquoi les agences sont-elles critiquées ?
Les critiques à l’encontre des agences de notation sont nombreuses. Leurs détracteurs évoquent un manque d’objectivité dans le cas de certaines entités. Ce manque d’objectivité proviendrait de leur modèle économique : elles sont payées par les États ou les entités souveraines pour les noter. En outre, certains pays accusent les agences de notation d’être trop promptes à dégrader leur dette.
Historiquement, certaines estimations des agences de notation ont contribué à la chute de certaines économies en développement. Cela s’est notamment observé dans le cas de la Grèce en 2011. En effet, le pays a d’abord rencontré une crise économique, car son déficit était trop important. Trois mois de négociations européennes ont alors eu lieu autour d’un plan de sauvetage. Mais Standard and Poor’s a attendu 3 mois pour abaisser la note du pays. Ce changement à retardement a fait plonger encore plus la Grèce dans la crise, car, elle ne pouvait plus emprunter sur les marchés alors qu’on lui proposait des taux trop élevés.
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Qu’en est-il du secteur en Afrique ?
Une bonne note souveraine représente un atout important pour les pays africains, qui sont majoritairement des pays en développement. Elle leur permet d’obtenir plus facilement du financement sur le marché international. Pourtant, des experts du continent jugent que les notes attribuées par les agences internationales sont basées sur des critères arbitraires.
« Des études ont montré qu’au moins 20 % des critères de notation des pays africains relèvent de facteurs plutôt subjectifs d’ordre culturel ou linguistique », estime le président sénégalais Macky Sall. Certains paramètres utilisés par ces agences internationales, quand il s’agit de l’Afrique, n’ont aucun lien avec ceux qui « jaugent de la stabilité d’une économie », ajoute-t-il.
Pour résoudre le problème, l’Union africaine (UA) propose de créer une agence de notation panafricaine. Quelques agences existent déjà sur le terrain, mais ont une faible influence face aux géants internationaux. Plus tôt cette année, Moody’s a acquis une participation majoritaire au sein du capital de Global Credit Rating (GCR), la plus grande agence de notation du continent. Ce rachat lui a permis de renforcer davantage sa position sur le continent.
En Afrique francophone, l’agence de notation financière Bloomfield, dirigée par Stanislas Zézé gagne la confiance de certains États. Plus tôt cette année, elle a procédé à la notation en monnaie locale de la RDC, à l’instar du Bénin, de la Côte d’Ivoire et du Sénégal.
« On note les pays africains sur une base universelle. Alors que la notation financière, c’est évaluer votre capacité à faire face à vos obligations dans une monnaie précise. Donc si cette monnaie n’est pas votre monnaie d’opération et si vous avez peu de devises dans cette monnaie, forcément, vous aurez des notes très faibles malgré votre performance », a expliqué le PDG de Bloomfield, dans une interview accordée à RFI.
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