De nouvelles données de surveillance publiées jeudi montrent que de nombreux pays d’Afrique subsaharienne « volent à l’aveuglette » en matière de surveillance des agents pathogènes résistants aux antibiotiques.
Une étude récente publiée dans The Lancet a estimé que l’Afrique subsaharienne a le taux de mortalité dû à la résistance aux antimicrobiens le plus élevé au monde. Le continent enregistre près de 27,3 décès pour 100 000 attribuables au phénomène.
Les auteurs du rapport affirment que la plupart des données disponibles sur la résistance aux antimicrobiens en Afrique sont basées sur de « mauvaises bases de données », avec des lacunes importantes dans les systèmes de santé, de laboratoire et de surveillance. Et l’incapacité des laboratoires en Afrique à tester systématiquement la résistance des bactéries se traduit par des soins de qualité inférieure. « L’Afrique lutte contre les agents pathogènes résistants aux médicaments, tout comme le reste du monde. Mais notre lutte est aggravée par le fait que nous n’avons pas une image précise de l’impact de la résistance aux antimicrobiens sur nos citoyens et nos systèmes de santé. Cette étude met en lumière la crise dans la crise », a déclaré Pascale Ondoa, directrice de la science et des nouvelles initiatives de la Société africaine de médecine de laboratoire (ASLM), dans un communiqué de presse.
Lire aussi: La résistance aux antibiotiques tue plus de gens que le VIH et le paludisme (The Lancet)
Peu de laboratoires testent la résistance aux antimicrobiens
Pour leurs travaux, les chercheurs en charge de l’étude ont analysé 819 854 dossiers de résistance aux antimicrobiens (RAM) collectés de 2016 à 2019 auprès des laboratoires dans 14 pays africains. Ils ont également analysé les données sur l’utilisation des antimicrobiens dans 327 hôpitaux et pharmacies communautaires.
Les chercheurs ont découvert que sur les 50 000 laboratoires qui forment les réseaux de laboratoires dans les 14 pays, seuls 1,3 % effectuent des tests bactériologiques et seule une petite fraction de ces laboratoires a la capacité d’évaluer la RAM. 80% effectuent moins de 1 000 tests de sensibilité aux antimicrobiens par an. Et dans 8 des 14 pays, les laboratoires de bactériologie sont géographiquement accessibles à moins de 50% de la population.
« Le manque combiné de capacité et d’accessibilité des services de test de bactériologie et de résistance aux antimicrobiens en Afrique souligne le besoin urgent d’investir dans les infrastructures de laboratoire de test existantes et nouvelles », ont écrit les auteurs.
Lire aussi : L’OMS crée un nouveau fonds pour la prévention, la préparation et l’intervention en cas de pandémie
Plus d’investissements dans la collecte de données
Pour remédier au manque de surveillance de la résistance aux antimicrobiens, le rapport fixe plusieurs objectifs spécifiques. Il s’agit notamment de viser au moins 50 % des laboratoires africains ayant la capacité de fournir des données sur la résistance aux antimicrobiens, de promouvoir les tests conventionnels de résistance aux antimicrobiens à des niveaux inférieurs du réseau de laboratoires et d’adapter la liste des agents pathogènes prioritaires de l’OMS à l’épidémiologie de l’Afrique.
Le rapport appelle également les pays à mettre à jour leurs plans d’action nationaux sur la résistance aux antimicrobiens, à améliorer les stratégies de gestion des antimicrobiens et de prévention des infections et à renforcer l’accès aux antibiotiques. Les chercheurs invitent également les dirigeants à adopter une approche qui tient compte de la résistance aux antimicrobiens et de l’utilisation des antimicrobiens dans la santé humaine, la santé animale et l’agriculture.
Lire aussi: De nouveaux vaccins permettront de lutter contre la résistance aux antibiotiques (OMS)