L’Afrique pourrait devenir le plus grand producteur de carburant d’aviation durable (IATA)

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Le directeur général de l'IATA recommande vivement aux pays africains d'investir dans la production du carburant d'aviation durable.

Pour atteindre le net zéro d’ici 2050, l’industrie du transport aérien s’est engagée à abandonner le kérosène. Elle compte désormais sur un combustible moins polluant pour alimenter ses aéronefs. Ce type de carburant est cependant insuffisant pour approvisionner le marché à l’heure actuelle. Un problème que l’Afrique pourrait vraiment aider à résoudre.

La production du carburant d’aviation durable (SAF) est encore très faible à l’échelle mondiale. En 2021, les stocks disponibles n’étaient chiffrés qu’à 125 millions de litres. Une telle quantité est insignifiante pour satisfaire la demande annuelle estimée à 450 milliards de litres. Il faudra donc multiplier la production actuelle par 3600 pour permettre à l’industrie du transport aérien de tenir son engagement d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Relever un tel défi nécessiterait de « très gros » investissements selon les experts.

D’après le directeur général de l’Association du transport aérien international (IATA), Willie Walsh, l’Afrique est la région la mieux lotie pour devenir le hub de la production du SAF. Il s’exprimait ainsi face aux journalistes lors de la 78e assemblée générale de l’organisation basée à Montréal. « Je pense que c’est une énorme opportunité pour les pays africains (…). Vous pouvez désormais développer un carburant d’aviation durable pour lequel la demande est énorme. Vous devez investir dans la capacité de production et la capacité de raffinage » a-t-il déclaré.

Les matières premières, ce qui abonde en Afrique…

L’Afrique dispose de toutes les matières premières dont elle a besoin pour ériger une méga-industrie du SAF. Les plus utilisées lors de la production du biocarburant sont les déchets organiques et inorganiques. Ce dont « déborde » l’Afrique selon un rapport de la Banque mondiale publié en 2018. Le document indique qu’un habitant d’Afrique subsaharienne produit en moyenne 0,46 kg de déchets par jour. La région a ainsi généré 174 millions de tonnes de déchets en 2016. Une quantité qui devrait tripler d’ici 2050 selon l’institution financière.

Cette énorme disponibilité de déchets que les dirigeants africains ont encore du mal à gérer peut donc servir à bon escient. Le Ghana pourrait ainsi devenir le premier pays de la région à se lancer dans cette activité. Cet Etat anglophone s’est lancé depuis près de 20 ans dans la production de carburants durables, rapporte Ghana Web. Un combustible, fabriqué à base de plantes, qui ne sert pour l’instant qu’à alimenter des machines de transformation agricoles à petite échelle. Le pays pourrait donc passer à l’étape suivante en fabriquant un biocarburant beaucoup plus adapté aux grands appareils tels que les aéronefs.

Avec les nouvelles usines de traitement de déchets installées par Jospong Group à Accra et Kumasi, la naissance d’une unité de production de SAF ne devrait pas tarder. Celle-ci ne devrait même pas connaître de rupture d’approvisionnement dans une ville comme Accra qui produit 15 000 tonnes de déchets notamment organiques par jour.

En dehors des déchets, l’Afrique dispose d’autres matières premières viables pour produire du SAF. Il s’agit notamment des huiles végétales et de cuisson, les copeaux de bois, de la paille traitée, des algues et des résidus agricoles. Ces différents matériaux sont largement disponibles sur le continent selon Walsh.

Lire aussi : Zéro émission nette d’ici 2050 : un défi impossible à relever pour l’industrie du transport aérien ?

Une opportunité économique inédite…

En investissant suffisamment dans l’industrie du SAF, l’Afrique pourrait tirer profit d’un marché naissant à fort potentiel de croissance. Elle pourrait produire près de 30 milliards de litres de biocarburant pour les avions d’ici 2030. Atteindre une telle capacité serait « un point de basculement clair vers notre ambition de fabriquer suffisamment de SAF à des prix abordables et parvenir à la neutralité carbone » fait savoir le patron de l’IATA.

Aujourd’hui, le carburant d’aviation durable coûte 2 à 4 fois plus cher que le carburant traditionnel. Certaines compagnies aériennes ont conclu des accords d’achat de 17 milliards $ pour s’en procurer au cours de cette année. « L’industrie du transport aérien a besoin de carburant durable, c’est le seul moyen d’atteindre le zéro émission nette d’ici 2050. La demande pour ce produit est donc énorme » martèle Walsh.

Il invite donc les pouvoirs publics à encourager les investissements dans le secteur. « Les incitations à la transition vers les sources renouvelables telles que l’énergie solaire ou éolienne ont fonctionné. Les gouvernements devraient faire pareil pour le SAF » a-t-il recommandé. D’après lui, le soutien des dirigeants est nécessaire pour promouvoir l’utilisation du biocarburant et l’abandon des sources d’énergies fossiles dans le secteur aérien. De plus, « des gens recherchent des occasions d’investissement dans le SAF. Je pense que l’Afrique est une belle opportunité ».

Le SAF réduira les émissions du transport aérien de 80%

L’adoption générale du SAF par les compagnies aériennes réduira considérablement leurs émissions de gaz à effet de serre (GES). Le carbone qu’elles génèrent chutera de 80%. Les 20% restants seront dus aux émissions issues des composants du biocarburant.

Les matières premières utilisées pour fabriquer le SAF absorbent en effet du carbone durant leur cycle de vie. La solution envisagée par l’IATA pour le gaz restant, réside dans le captage et la compensation via des activités vertes.

L’alternative à l’utilisation d’un carburant, durable ou non, sera la mise en vol des avions électriques. Elle reste cependant hors d’atteinte à court terme, contrairement au SAF. Pour rappel, l’industrie du transport aérien représente 2,4% des émissions mondiales. 

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Fidèle DJIMADJA