En avril dernier, le Royaume-Uni a conclu un accord avec Kigali pour y envoyer des migrants et des demandeurs d’asile. L’accord avait été conclu dans le cadre d’une visite de la ministre de l’Intérieur britannique, Priti Patel, à Kigali. Depuis, le pacte fait l’objet de controverses et est actuellement contesté devant la Haute Cour britannique.
L’accord migratoire conclu entre le Royaume-Uni et le Rwanda vise à relocaliser temporairement les demandeurs d’asile et les migrants à Kigali. Cette mesure, selon le gouvernement britannique, devrait contribuer à réduire le nombre de personnes traversant illégalement chaque année la Manche.
Toutefois, de nombreuses critiques remettent en cause la légalité de cette décision et critiquent le choix du Rwanda pour son bilan en matière de protection des droits de l’homme.
Pourquoi le Rwanda ?
Grâce à l’accord conclu avec le Rwanda, les autorités britanniques veulent dissuader les traversées illégales de la Manche. En 2021, plus de 28 000 clandestins sont entrés au Royaume-Uni par ce canal, soit le triple de ce nombre en 2020.
Pour régler le problème, le Royaume-Uni a tenté à deux reprises de signer des accords avec les pays éloignés afin de décourager les tentatives d’entrée illégale sur son territoire. La demande a été rejetée successivement par l’Albanie et le Ghana. Le Rwanda n’est donc pas le seul pays à avoir reçu la proposition, mais est devenu le premier à l’accepter.
Le gouvernement britannique insiste sur le fait que le Rwanda est une destination appropriée. Il est décrit comme un « pays sûr, avec un historique de soutien aux demandeurs d’asile ». Toutefois, les avocats représentant les opposants à la politique ont contesté cette affirmation devant la Haute Cour. Selon eux, « le Rwanda est en substance un État autoritaire à parti unique, avec des niveaux de surveillance extrêmes, qui ne tolère pas l’opposition politique ».
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Combien de personnes pourraient être envoyées au Rwanda ?
D’après le gouvernement britannique, « toute personne entrant illégalement au Royaume-Uni » après le 1er janvier 2022 pourrait être envoyée au Rwanda, sans limite de nombre. Le Rwanda a lui-même indiqué qu’il peut traiter 1 000 demandeurs d’asile pendant la période d’essai, mais qu’il a la capacité d’en faire plus. Dans le cadre de l’accord, le Rwanda peut également demander au Royaume-Uni d’accueillir certains de ses réfugiés les plus vulnérables.
Toutefois, aucun demandeur d’asile n’a été encore envoyé dans le pays à l’heure actuelle. Le premier vol devait avoir lieu en juin, mais a été annulé après des contestations judiciaires.
Le projet est-il légalement acceptable ?
Depuis son annonce, l’accord a été vivement critiqué par de nombreux acteurs juridiques sur le plan international. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a publié en juin une analyse juridique du pacte.
D’après le document, l’accord ne remplit pas les conditions nécessaires pour être considéré comme un accord de transfert bilatéral légal et approprié. Pour le HCR, l’arrangement contient des clauses insuffisantes pour garantir la protection internationale. Il tenterait de « transférer la responsabilité de l’identification et de la satisfaction des besoins de protection internationale du Royaume-Uni au Rwanda, contrairement au principe de partage de la charge ». Par conséquent, le HCR considère l’arrangement comme un exemple « d’externalisation de protection internationale et est, en tant que telle, illégal ».
D’une manière concrète, l’externalisation de la protection internationale fait référence aux mesures prises par les États qui sont mises en œuvre en dehors de leur propre territoire. Elles empêchent directement ou indirectement les demandeurs d’asile et les réfugiés d’atteindre une « destination » particulière et/ou de pouvoir y revendiquer ou bénéficier d’une protection. En se basant sur ces critères l’accord migratoire anglo-rwandais est donc incompatible avec la lettre et l’esprit de la Convention de 1951 sur les réfugiés.
En outre, de nombreux avocats des droits des migrants et des organisations caritatives ont lancé des poursuites pour contester la légalité du projet. Un examen judiciaire de la légalité du projet a débuté le 5 septembre à la Haute Cour de Londres, ralentissant la mise en œuvre de l’accord.
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Le plan fonctionnera-t-il ?
Le projet a été annoncé pour la première fois le 14 avril de cette année. Cependant, depuis l’annonce, le nombre de tentatives de traversées illégales de la Manche n’a absolument pas chuté.
Plus de 27 000 personnes ont fait le déplacement dans des barques cette année, dont plus de 2 000 lors du premier week-end de septembre. Il y a eu au total 28 526 traversées sur l’ensemble de 2021 et seulement 8 404 en 2020. Les responsables du syndicat des forces frontalières ont précédemment suggéré que le total final de 2022 pourrait être de 60 000, soit plus du double du décompte de 2021.
En se basant sur ces données, une baisse du nombre d’entrées illégales sur le territoire britannique semble peu probable, même avec la mise en œuvre de l’accord. Toutefois, cela pourrait contribuer à réduire le nombre de migrants déjà présents sur le sol britannique.
Coût du programme
Le gouvernement britannique estime que le plan coûtera 1,5 milliard de livres sterling par an, avec plus de 4,7 millions de livres sterling par jour consacrés à l’hébergement à l’hôtel pour les réfugiés et les demandeurs d’asile.
À l’annonce du plan, le Royaume-Uni a annoncé qu’il fournirait un financement de 120 millions de livres sterling au Rwanda. Il prendra également en charge les frais de traitement et d’intégration de chaque personne relocalisée. Les autorités ont accepté de payer les frais pour chaque demandeur d’asile pendant les trois premières années, ou cinq ans pour les demandeurs d’asile qui obtiennent le statut de réfugié.
Des initiatives similaires
Une semaine après l’annonce du Royaume-Uni, le Danemark a lancé des discussions avec le Rwanda pour la mise en place d’une procédure de transfert de demandeurs d’asile vers le pays est-africain. Au cours de la dernière décennie, le Danemark s’est illustré pour ses politiques d’immigration de plus en plus sévères. Le pays a adopté, l’année dernière, une loi permettant aux réfugiés d’être transférés vers des centres d’asile dans des pays partenaires. Toutefois, aucun pays n’avait donné son accord pour la mise en œuvre de cette décision, à cette époque.
Début septembre, les autorités du Danemark ont annoncé une avancée dans les négociations. Les deux pays ont déclaré une « ambition commune de collaborer sur l’asile et qu’ils mettront en place un mécanisme qui pourrait transférer des demandeurs d’asile au Rwanda depuis le Danemark », selon un communiqué publié vendredi par le gouvernement à Copenhague.
De son côté, la Zambie pourrait devenir le prochain pays à accueillir des demandeurs d’asile britanniques. Le pays a « manifesté son intérêt » pour un accord similaire à celui signé avec le Rwanda.
« Il y a un ou deux pays, comme la Zambie, qui sont potentiellement intéressés. Ils attendront de voir ce qui se passe au Rwanda avant de décider si cela en vaut la peine et quelles en sont les ramifications politiques », avait indiqué une source proche du dossier au média britannique The Telegraph en juin. Aucune annonce supplémentaire n’a été faite sur la progression du dossier.
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