Suspension du rapport Doing Business : et si en Afrique aussi, on faisait une pause ?

0
1054

C’est à la fois une faillite institutionnelle et morale. Le rapport “Doing Business” ne paraîtra plus, jusqu’à nouvel ordre. La nouvelle a pris de court le grand public, mais les experts s’y attendaient un peu. Il faut dire que cela fait quelques années maintenant que la méthodologie de cette publication de la banque mondiale faisait l’objet de débats. On a en mémoire le départ de l’économiste en chef Paul Romer, et ses déclarations sur l’intégrité du classement Doing Business. Il se consolera ensuite avec un prix Nobel d’économie.

Les institutions de Bretton Woods, elles, se retrouvent aujourd’hui empêtrées dans un scandale retentissant. La directrice, Kristalina Georgieva, est accusée d’avoir fait pression sur les équipes en charge du rapport pour maintenir le classement de la Chine. Cette manœuvre visait à préserver les relations entre Pékin et l’institution. Si la bulgare dément les faits, on peut néanmoins constater que le mal est fait. Il faudra beaucoup d’efforts pour rétablir la crédibilité de la publication.

Vue d’Afrique, cette situation interpelle. Il faut rappeler qu’améliorer leur classement Doing Business est l’une des priorités de nos États. Pour y parvenir, ils mettent en place chaque année des trains de réformes. Dans l’économie mondialisée actuelle, être business-friendly selon les critères de Breton Woods permet d’attirer la manne des fameux investissements directs Étrangers (IDE). 

Ces investissements constituent la consécration des politiques économiques menées par nos nations africaines. Ils permettent théoriquement de créer des emplois et d’augmenter les recettes fiscales. Le fantasme de tout dirigeant.

Attirer des investissements n’a rien de mal en soi. Soigner son image de marque est une bonne option pour les nations. Mais le problème se situe désormais ailleurs. En effet, pour satisfaire aux critères d’évaluation du Doing Business, nos pays mènent des réformes. Certaines sont clairement salutaires. Mais d’autres, ont un effet pervers. Ainsi, on démantèle parfois les filets sociaux et on reforme les codes du travail pour être compétitif. On révise les codes miniers et on offre des avantages fiscaux parfois au détriment des intérêts nationaux. La course à un meilleur Ranking doing business peut parfois devenir une compétition du moins-disant. 

Lire aussi : Gambie : Adama Barrow réélu avec 53% des voix

Apprendre que les dés étaient peut-être pipés dès le départ doit pousser à une remise en cause. Le plus important, est-il la quantité des IDE attirés ou la lutte contre le chômage et l’extrême pauvreté ? 

Lire aussi : Nigéria : Les parcs industriels créeront plus d’un million d’emplois

Si c’est la seconde option qui est privilégiée, pourquoi ne pas faire des réformes visant à faire émerger des tissus économiques nationaux très forts ? 

Pourquoi ne pas donner des avantages aux entrepreneurs locaux ? 

Se concentrer sur la bancarisation de la population ? 

Formaliser l’activité économique informelle ? 

Offrir des droits au gens afin de pouvoir leur demander ensuite de payer des taxes ?

Créer une classe de citoyens capables de prendre leurs destins en main et construire leur nation semble plus viable que de chercher à faire le beau chaque année dans un classement visiblement truqué. 

Lire aussi : Sénégal : 7 millions $ pour accroître le financement des agriculteurs et des PME rizicoles