L’accord de financement sera soumis à l’approbation du Conseil d’administration de l’institution en décembre prochain. Il devrait permettre à la Tunisie de sortir d’une crise à la fois sociale, économique et politique, qui empire au fil des mois.
Le Fonds monétaire international (FMI) a conclu un accord de prêt de 1,9 milliard $ avec les autorités tunisiennes. Cette aide s’inscrit dans le cadre d’un programme de Mécanisme élargi de crédit (MEDC) d’une durée de 48 mois. La première tranche du financement sera débloquée après la validation de l’accord par le Conseil d’administration du FMI qui se réunira en décembre prochain.
Le nouveau prêt « appuiera le programme de réformes économiques des autorités visant à rétablir la stabilité extérieure et budgétaire de la Tunisie » ont déclaré Chris Geiregat et Brett Rayner, chefs de la mission du FMI pour la Tunisie. Il aidera également le gouvernement à « renforcer la protection sociale et à promouvoir une croissance plus forte, plus verte et plus inclusive, ainsi que la création d’emplois tirée par le secteur privé » ont-t-ils ajouté.
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Sortir de la crise économique, un défi urgent à relever
Les Tunisiens ont connu cette année une crise historique qui a plongé l’économie nationale dans le gouffre. La cherté des produits, exacerbée par la guerre en Ukraine, a fini par entraîner la pénurie des denrées de base. Le carburant est pratiquement indisponible sur l’ensemble du territoire national. Mardi dernier, les files de voitures dans les stations-service s’étendaient sur plusieurs kilomètres dans certaines villes du pays. Les automobilistes ne pouvaient acheter que 13 litres de carburant au maximum. Les produits alimentaires sont devenus rares dans les supermarchés. La farine, le sucre, le beurre, le lait et l’huile de cuisson ne sont pratiquement plus sur le marché intérieur.
Cette pénurie s’explique par les difficultés de la Tunisie à s’approvisionner sur le marché international à cause de la flambée des prix. Les réserves en devises du pays sont tombées ce mois-ci à 7,54 milliards $. Elles ne pourront couvrir que 107 jours d’importations et de service de la dette extérieure, selon les données officielles. Le taux d’inflation est monté à un niveau record de 9,1%, le plus élevé de ces trois dernières décennies. La Banque centrale a relevé les taux d’intérêt, rendant difficile l’accès aux prêts. La banque américaine Morgan Stanley a indiqué en juillet dernier que la Tunisie présentait un déficit budgétaire de près de 10%. Elle était à ce titre, le pays africain le plus susceptible de faire défaut sur sa dette.
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La grève des fonctionnaires…
Les travailleurs du secteur public exigent dans le même temps l’amélioration de leur situation financière. En juin dernier, ils ont déclenché une grève générale qui a touché tous les secteurs d’activités, y compris le transport aérien. Près de 3 millions de travailleurs ont suivi le mouvement et 159 entreprises publiques étaient hors service, selon le plus grand syndicat du pays, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT).
Les revendicateurs ont demandé au gouvernement de « réajuster leur pouvoir d’achat pour mieux tenir face à l’inflation ». Le secrétaire général du syndicat, Noureddine Taboubi, a indiqué que la grève ne s’arrêtera que si le gouvernement accorde une hausse de l’ordre de 10% sur les salaires. Le désaccord entre les syndicalistes et le gouvernement conduira à une paralysie de la fonction publique.
Le FMI exigera cependant que la tension baisse entre les deux parties avant tout nouveau financement. Le gouvernement conclura donc un accord avec l’UGTT en septembre 2022 pour une augmentation de 5% sur le salaire des fonctionnaires, ouvrant la voie à l’obtention d’un prêt auprès du FMI.
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La crise politique, une autre variable de l’équation…
Kaïs Saïed, élu au suffrage universel en 2019, s’est arrogé tous les pouvoirs de la République en juillet 2021 suite à de multiples manifestations dans le pays. Les protestataires condamnaient à l’époque l’inaction du Parlement tunisien qui ne résolvait pas les problèmes des populations. Ils revendiquaient la dissolution de l’institution, ce qui était cependant impossible selon la Constitution.
Le président Saïed a donc pris l’initiative de geler les activités du Parlement, destituant le Premier ministre Hichem Mechichi. Il étend unilatéralement son pouvoir dans tous les domaines et entreprend le projet d’une nouvelle Constitution décriée par les principaux opposants du pays.
Il soumet la nouvelle Loi fondamentale lors d’un référendum organisé en juillet dernier. Seulement 30% des électeurs y participent et plus de 90% d’entre eux valident la nouvelle Constitution. Cette dernière empêche toute destitution du chef de l’État tout en lui conférant le pouvoir de désigner et de révoquer, à sa guise, le chef et les membres du gouvernement. Des juristes du pays ont crié au « régime dictatorial », mais en vain.
N’ayant pratiquement aucun contre-pouvoir, le président Saïed dirige tout seul le pays sans pour autant tenir les engagements pour lesquels il dit avoir révisé la Constitution. Les Tunisiens sortent par centaines dans les rues pour décrier sa gouvernance. Les manifestations sont pour la plupart réprimées par la police et se soldent par des arrestations, des blessés et des morts. Des jeunes lassés de la situation ont décidé de prendre le large, préférant traverser la Méditerranée que mourir de faim. Des dizaines de Tunisiens ont ainsi perdu la vie en tentant de rejoindre l’Italie depuis janvier 2022.
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Une bouffée d’air pour l’économie…
L’aide du FMI était devenue le seul moyen pour le pays de sortir de sa crise. Un accord avec le prêteur était indispensable pour que les partenaires financiers internationaux de la Tunisie se remettent à l’aider. C’était « une étape importante pour les finances publiques de la Tunisie » a déclaré un responsable tunisien cité par Reuters. L’appui du FMI permettra au gouvernement de pouvoir emprunter chez d’autres bailleurs de fonds. « La communauté internationale a un rôle important à jouer pour faciliter le programme des autorités en débloquant rapidement les financements afin d’assurer la réussite des politiques et réformes qu’elles entendent mener » indique l’équipe du FMI.
Le soutien de l’institution vise à établir les bases d’une relance économique forte et durable dans le pays. La Tunisie a renoué avec une croissance positive de plus de 3% en 2021 après une forte contraction de 8,7% en 2020. Ce progrès devrait ralentir à court terme, selon le FMI. Le gouvernement pourra par contre maîtriser les dépenses budgétaires, élargir l’assiette fiscale, améliorer sa gouvernance, créer un environnement favorable pour l’essor du secteur privé et préserver le pouvoir d’achat des populations.
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