La taxe carbone de l’UE coûtera chaque année 25 milliards d’euros à l’Afrique 

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panneau "Tax carbon now"
La taxe carbone de l'Union européenne coûtera à l'Afrique environ 1% de son PIB annuel.

La nouvelle taxe frontalière sur le carbone adoptée par l’Union européenne (UE) suscite déjà de violentes critiques des pays du Sud. Et pour cause: la mesure fait perdre au continent chaque année, l’équivalent de trois fois le montant de l’aide au développement. 

Sur le papier, la loi a tout d’une bonne idée: taxer les émissions de gaz à effet de serre pour contraindre les compagnies à adopter des méthodes de production plus propres. Ce texte, positionne l’Europe à l’avant-garde de la lutte contre le réchauffement climatique. 

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Une fausse bonne idée

Concrètement, Bruxelles entend imposer aux produits importés sur son territoire la même taxe qu’il impose à ses producteurs: 80 euros par tonne de dioxyde de carbone émis. La mesure qui relève du mécanisme d’ajustement de la taxe frontalière sur le carbone vise à empêcher les industriels occidentaux de délocaliser leur production vers des marchés moins regardants sur le climat et ensuite de les réintroduire dans l’UE. La mesure qui entrera en vigueur en octobre prochain cible des produits comme le fer, l’acier, le ciment, l’aluminium, les engrais, l’hydrogène et la production électrique. 

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Si la mesure a été saluée par les activistes européens pour le climat. Au sud, on fait grise mine. Et pour cause: une nouvelle étude estime que l’application de cette loi fera perdre chaque année à l’Afrique 0.91% de son produit intérieur brut, soit 25 milliards $. Selon le texte, cité par The conversation, les produits concernés par la taxe sont en effet stratégiques pour le continent et l’UE constitue un débouché prioritaire. Les pertes africaines représentent 3 fois le montant investi par l’Europe dans l’aide au développement (6,8 milliards de dollars en 2021). 

Vers une généralisation de ce type de mesure

Selon les auteurs du rapport, il aurait fallu que l’UE adopte une approche différenciée dans l’implémentation du mécanisme d’ajustement de la taxe. La mesure devrait générer 1 milliard de dollars, soit 25 fois moins que les pertes occasionnées pour les africains. Du côté de Bruxelles, on essaie de calmer l’indignation en étudiant l’idée de reverser une partie des revenus liés à la taxe aux pays africains pour leur permettre de s’adapter.  

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Pour l’Afrique, l’adoption de cette taxe est une mauvaise nouvelle. La législation pourrait avoir un impact moins grand si le continent diversifiait ses partenaires commerciaux et exportait plus des produits concernés vers des marchés comme l’Inde ou la Chine. Mais l’occident reste toujours la première destination pour ces produits. En outre, les autres puissances songent à emboîter le pas aux européens, à la fois pour renforcer leur leadership en matière de transition et aussi en mesure de retorsion. Le Royaume-Uni planche sur la création d’une mesure similaire. L’inde a quant à elle promis de répliquer par la création de sa propre taxe et les USA l’ont déjà fait dans le cadre de Inflation Reduction Act.

Des pistes de solutions dans un contexte incertain

L’autre porte de sortie pour l’Afrique aurait été dans l’augmentation de ses capacités en matière d’énergie renouvelable. Mais le continent n’attire à ce jour que 2% des investissements mondiaux dans les énergies propres. 

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Si des pistes existent aujourd’hui, l’avenir s’annonce cependant incertain pour les économies africaines. Il leur faudra signer de nouveaux accords d’exportations, trouver de nouveaux débouchés, adapter leur réglementation en réponse à ce type de mesures qui, estiment les experts, sont amenés à durer dans le temps.