Zéro émission nette d’ici 2050 : un défi impossible à relever pour l’industrie du transport aérien ?

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La décarbonisation des industries polluantes est l’objectif que se fixent désormais les Etats et les entreprises du monde. Chaque partie concernée par la protection de l’environnement a un rôle essentiel à jouer. L’enjeu est de taille, d’autant plus que la survie des espèces animales et végétales en dépend. L’heure n’est plus aux décisions mais plutôt à l’exécution. Chaque seconde qui s’égrène est une opportunité manquée de préserver les écosystèmes du cataclysme qu’annoncent tous les rapports environnementaux. Avec une contribution de 5% au réchauffement climatique, l’industrie du transport aérien fait face à un défi majeur : se détourner du carburant traditionnel. Même si l’envie y est, la stratégie reste quant à elle assez critiquée par les experts. Pour ceux-ci, il s’agit d’un plan visant à résoudre un problème par plusieurs autres.

L’annonce a plutôt surpris au début de ce mois d’octobre. Contre toute évidence, l’industrie du transport aérien s’est engagée à tout faire pour atteindre le net zéro d’ici 2050. L’Association du transport aérien international (IATA) a élaboré une stratégie axée sur l’abandon progressif du carburant traditionnel. Cette dernière semble cependant ne pas convenir, selon les experts.

Les compagnies auront annuellement besoin de 450 milliards de litres de carburant d’aviation durable (SAF) pour se détourner de l’énergie fossile. Cette quantité ne suffira cependant qu’à réduire de 2/3, les émissions de l’industrie. Pour cause, les matières premières utilisées dans la production du SAF absorbent du CO2 durant leur cycle de vie. Quant à sa disponibilité, il n’y en a que 100 millions de litres dans le monde entier, soit 0,02 % du besoin. 

Multiplier la production de SAF par 5000

Face à ce déficit, la production du SAF devient la première priorité des acteurs de l’industrie de l’aviation. Pour rappel, ce carburant est fabriqué à partir de graisses animales et d’huiles végétales, y compris celles déjà utilisées. Dans sa quête d’atteindre le zéro net, de secteur devra multiplier la production actuelle de SAF par 5 000, ce qui nécessitera de « très gros » investissements. Effectuer de telles dépenses à un moment où l’industrie continue de subir le revers de la crise de Covid-19, relève d’un paradoxe pour les compagnies aériennes. 

Du côté des sociétés de production de carburant, l’enjeu monte d’un cran. Shell indique déjà qu’il ne saurait investir dans un projet du genre sans avoir des garanties. Autrement dit, il lui faudra avoir la certitude que la demande du SAF sera rentable avant de se lancer dans sa production. Or, il n’existe actuellement aucun facteur pouvant garantir un retour sur investissement dudit projet. Bien au contraire, tout porte à croire qu’il risque d’être un échec puisque le prix du SAF est nettement supérieur au coût du carburant traditionnel. Le prix de ce dernier est estimé à 50 cents $. Le biocarburant qui se veut être son alternative, est quant à lui facturé à 1,50 $. 

L’adoption du SAF se heurte ainsi à un obstacle majeur, d’autant que l’achat de carburant représente à lui seul, 30 % des coûts de l’industrie. « Nous n’avons pas la viabilité financière pour payer du SAF à un prix trois à quatre fois plus élevé que celui du carburant traditionnel. Les producteurs d’énergie ne vont jamais investir dans de telles conditions. À moins qu’ils soient convaincus d’avoir des clients pour acheter leur production à un coût onéreux, ce qui est très peu probable » a déclaré Ed Bastian, DG de Delta Air Lines. « Ce n’est pas facile. Mais il faudra quand même susciter de l’engouement pour la demande du SAF afin d’atteindre l’objectif visé » a déclaré Anna Mascolo, présidente de la division de l’aviation chez Shell, citée par Financial Times. 

Où et comment produire cette quantité de SAF ?

Malgré les probabilités que son plan échoue, l’IATA n’a pas prévu la solution la plus simple pour atteindre son objectif. D’après les critiques, l’industrie de l’aviation devrait normalement prévoir dans son plan, la réduction du trafic aérien. Sans cette dernière, « l’objectif de l’IATA devient irréaliste » selon Andrew Murphy, directeur de l’aviation chez Transport & Environment. 

Avec la contre-performance enregistrée dans le secteur du transport aérien depuis le début de la pandémie, il était normal que l’IATA n’envisage pas une baisse du trafic. En 2020, les compagnies du monde ont dû essuyer une perte de 137 milliards $. Pour cette année, l’IATA prévoit déjà un manque à gagner de 51,8 milliards $. La réduction des émissions de carbone n’exclut pas selon les acteurs, la poursuite d’une reprise des activités. D’autant que d’après les chiffres, le trafic aérien mondial devrait connaître une croissance annuelle de 3 % jusqu’en 2050. 

Le plan de l’IATA exclut toute réduction du trafic aérien

Malgré les probabilités que son plan échoue, l’IATA n’a pas prévu la solution la plus simple pour atteindre son objectif. D’après les critiques, l’industrie de l’aviation devrait normalement prévoir dans son plan, la réduction du trafic aérien. Sans cette dernière, « l’objectif de l’IATA devient irréaliste » selon Andrew Murphy, directeur de l’aviation chez Transport & Environment. 

Avec la contre-performance enregistrée dans le secteur du transport aérien depuis le début de la pandémie, il était normal que l’IATA n’envisage pas une baisse du trafic. En 2020, les compagnies du monde ont dû essuyer une perte de 137 milliards $. Pour cette année, l’IATA prévoit déjà un manque à gagner de 51,8 milliards $. La réduction des émissions de carbone n’exclut pas selon les acteurs, la poursuite d’une reprise des activités. D’autant que d’après les chiffres, le trafic aérien mondial devrait connaître une croissance annuelle de 3 % jusqu’en 2050. 

Quelques mesures sont toutefois envisageables

Des solutions restent toutefois envisageables pour atteindre certains objectifs du plan de l’IATA. Pour Ed Bastian, les gouvernements souverains doivent poser certaines bases pour faciliter la mise en œuvre du programme. Leur rôle sera d’imposer une lourde taxe sur le carbone émis par les compagnies de transport. Ils devront aussi accorder des allègements fiscaux sur tout le long de la chaîne de production et de distribution du SAF. De telles mesures auront pour effet immédiat de favoriser l’intérêt des investisseurs pour le développement de l’industrie des carburants propres. « C’est la seule façon de parvenir à notre objectif » soutient Ed Bastian. La COP 26 qui se tiendra à Glasgow la semaine prochaine, sera une occasion pour l’IATA de rallier les gouvernements du monde à sa cause. Cette rencontre internationale pourrait également servir de cadre pour élaborer d’autres solutions susceptibles de garantir le net zéro dans le secteur du transport aérien. Le défi que les compagnies aériennes doivent absolument relever, c’est de concilier rentabilité et protection de l’environnement.

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Fidèle DJIMADJA